Douze Bassoutos à Paris

9-15 octobre 1917

Accueillis à Paris par la Société des missions

Une arrivée précipitée
La réponse de l’autorité britannique, en la personne du colonel Pritchard, commandant le SANLC, parvient le 7 octobre à la Direction. Il y est demandé à la Société des missions de fournir un emploi du temps détaillé avant que « l’ordre de marche ne soit donné ». Au dernier moment, E. Mabille envoie un télégramme pour confirmer à la Direction de la SMEP leur arrivée le mardi soir 9 octobre à la Gare du Nord. Les membres de la Direction avait misé sur une arrivée le 12 ! Le groupe est malgré tout accueilli sur le quai par une délégation de la Société. 

Leur hébergement est assuré à l’Ecole préparatoire de théologie des Batignolles dans le 17e arrondissement de Paris. Les jours suivants, leur emploi du temps alterne entre visites des « monuments et belles places » de la capitale et rencontres avec des personnes du « réseau missionnaire ». Le samedi 13, ils prennent le repas de midi à la Maison des missions. 


Le Journal des missions relate que : 
Dans le jardin, la Maison Gaumont a réclamé le privilège de prendre un film cinématographique, et, la semaine suivante, les Bassoutos ont apparu chaque soir sur l’écran dans les cinémas appartenant à cette maison. 

Les archives de la Société des missions ne permettent pas de savoir comment l’information de leur venue a circulé. Ce film d’actualité d’à peine 30 secondes est toujours conservé dans les Archives Gaumont-Pathé. 

Touristes dans la capitale

Le Tout-Paris protestant à la rencontre de "Nos indigènes mobilisés"

Les membres du Comité directeur et les missionnaires de la SMEP présents lors de la cérémonie organisée à l’Oratoire

Extrait du compte rendu dans le Journal des missions du mois d’octobre 1917 :

La cause des missions n’avait jamais attiré une pareille foule, remplissant tous les recoins, toutes les galeries du vaste édifice, s’entassant debout auprès des portes, et refluant jusque dans la rue !

C’est dans le temple des Batignolles (ci-dessous) que les Bassoutos assistent le dimanche matin à leur premier culte en France, avant se rendre à l’Oratoire en fin d’après-midi. 

La célébration au temple de l’Oratoire est l’occasion de convier les protestants parisiens à rencontrer des protestants venus des différents champs de mission : Malgaches et Tahitiens y sont nombreux. Comme les Bassoutos, ils sont invités à prendre la parole.

Edwin N’Tlale (ci-dessous) est  le fils d’un éditeur de  journaux en langue sotho. Il est lui-même rédacteur au « Naledi ». A l’Oratoire, il pourrait s’exprimer en anglais mais il prononce son allocution dans sa langue maternelle. C’est Alfred Casalis qui assure le rôle d’interprète.

temple des Batignolles
Edwin N'Tlale

Depuis dix mois que nous sommes en France, nous n’avions vu ni temple ni chrétien protestant !

Propos d’Edwin N’Tlale, porte-parole du groupe de soldats bassoutos, lors de son intervention à l’Oratoire du Louvre.

Ernest Mabille, dans son allocution à l’Oratoire du Louvre : 
On aurait pu et on aurait dû faire davantage pour rendre leur captivité moins monotone et plus supportable. C’est au moment où les premiers bataillons quittent le sol français et vont être remplacés par des contingents nouveaux, que l’on songe à ouvrir des salles de récréation où nos travailleurs pourront s’amuser et se distraire honnêtement après leurs heures de travail.

Au point de vue religieux et scolaire, leurs besoins n’ont pas été en souffrance. Un aumônier missionnaire au Natal et appartenant à l’Eglise d’Angleterre, secondé d’un pasteur noir de la confession dite congrégationaliste, a tenu dans notre camp des services religieux réguliers le dimanche et a présidé à la prière du soir. Une école élémentaire a aussi fonctionné et a été fréquentée par un assez bon nombre.

Toutes les confessions, je crois, avaient des représentants parmi nous. Les deux principales, les catholiques et les anglicans, ont eu le privilège d’avoir la visite régulière ou occasionnelle de leurs prêtres, et même de leurs évêques. Seuls les membres de l’Eglise du Lessouto n’ont pas été visités par l’un de leurs pasteurs de France. Il n’a pas été possible, par exemple, d’obtenir la permission que MM. Christol, Keck ou Casalis vinssent nous voir.

Le maréchal Joffre, une rencontre improvisée

A l’Ecole militaire, le missionnaire Daniel Keck – qui sert de guide aux visiteurs – fait passer sa carte de visite au maréchal Joffre présent dans son cabinet de travail :

La porte s’est aussitôt ouverte, et le lieutenant Mabille, avec deux de ses Bassoutos, ont été admis à serrer la main du Maréchal de France.

Souvenirs de France

La photo souvenir
Le groupe des douze avec Ernest Mabille debout au centre, assis Jean Bianquis (à gauche) et Frédéric Christol (à droite).

Ernest Mabille écrit à Jean Bianquis  dans sa lettre du 17 octobre :

Les Bassoutos qui ont visité Paris seraient très heureux d’avoir des copies de la photographie. 
Notre voyage me laisse, nous laisse un souvenir ineffaçable. Demain soir, il y aura une réunion dans la salle d’école où les délégués communiqueront leurs impressions.

Ernest Mabille dans un courrier du 11 novembre 1917 (dont il n’existe que des extraits recopiés à la main) :

Ce qui a le plus « épaté » mes noirs, c’est l’accueil des Parisiens… Ils étaient admis dans le métro, les trams, on leur parlait, on leur serrait la main, on n’avait pas l’air de savoir qu’ils ont la peau noire.