Protestant et résistant

le groupe des îles : Tahiti, Nouvelle-Calédonie, Madagascar

Au cours du XIXe siècle les ambitions de la France dans l’Océan Indien et l’Océan Pacifique sont tempérées par l’Entente cordiale entre la France et la Grande-Bretagne. Mais en 1879, la République des Républicains va ouvrir une nouvelle page de l’histoire coloniale française. Conquête territoriale, conquête d’image aussi après le désastre de Sedan et ses conséquences.

Dans le groupe des îles, la Mission de Paris n’a pas eu la primeur de l’évangélisation. Situés aux antipodes de la Métropole, Tahiti dès 1797, suivi de Madagascar en 1817 et des îles Loyauté sont les premiers champs de la Mission de Londres. Il en est résulté, dans tout cet ensemble, l’émergence d’une élite protestante indigène autonome.

Sauvegarder les fruits de la Mission

La présence anglo-protestante dans le groupe des îles est ressentie par la France comme une limite à ses ambitions coloniales. Elle parvient à s’imposer en 1842 à Tahiti, en 1864 dans les îles Loyauté et en 1896 à Madagascar. Avec l’aide des Missions catholiques, la France cherche à éliminer la Mission de Londres et fait appel à la Mission de Paris.

Celle-ci consent, avec retard, à s’engager (à Tahiti en 1863, aux îles Loyauté en 1892, à Madagascar en 1897) tout en exigeant que l’œuvre évangélique et culturelle de la Mission de Londres soit sauvegardée en particulier l’enseignement en langue vernaculaire alors que la France impose la langue française.

Victime de l’anglophobie ambiante

Une des difficultés majeures de la Mission de Paris a été de se faire reconnaître comme protestante et française. L’anglophobie latente de l’administration coloniale prête au protestantisme français des intelligences avec l’étranger : « qui dit protestant dit anglais, qui dit catholique dit français ! ».

C’est dans ce contexte difficile que la Mission de Paris a dû trouver sa place, entre rivalités coloniales et rivalités religieuses. Les Missions catholiques accompagnent l’expansion coloniale, avec l’aval de l’État qui finit par reconnaître le libre exercice des cultes dans les terres nouvellement colonisées.

>Qui dit protestant dit anglais, qui dit catholique dit français

Discerner les priorités

Une lourde tâche attend la Mission de Paris : répondre aux enjeux pastoraux, éducatifs et de défense de la liberté religieuse. La Mission de Paris a su faire preuve de pragmatisme, pour la survie du  protestantisme dans l’Empire colonial français. L’élargissement de ses statuts en 1881 précise que sa vocation consiste, non seulement à « propager l’Évangile parmi les païens et autres peuples non-chrétiens », mais également à « desservir les Eglises protestantes indigènes dans les colonies françaises ».

Alfred Boegner résume clairement ce double objectif en 1897 : 
« Je n’oublie pas que nos Missions de défense peuvent devenir toutes un jour des Missions de conquête : 
Tahiti par l’évangélisation des archipels encore païens qui l’entourent ; 
Maré par l’œuvre à faire parmi les Canaques de la Nouvelle-Calédonie, œuvre déjà commencée par les Maréens eux-mêmes et pour laquelle on réclame notre concours ; Madagascar, par l’attaque de nombreuses tribus païennes qui entourent le pays merina, 
le seul actuellement christianisé ».

Conséquence inattendue de l’anticléricalisme

La montée de l’anticléricalisme dans la France républicaine fragilise également les Missions catholiques. Les protestants en subissent le contre coup, victime du fantasme d’un complot de l’internationale évangélique. Mais la Mission de Paris se veut porteuse de valeurs universalistes et émancipatrices au nom de l’Évangile et des Droits de l’Homme. Elle contribue à donner à La France un esprit d’ouverture, dans l’esprit des Lumières et au protestantisme français et à ses Églises une reconnaissance internationale malgré ses faibles forces numériques.

Mission dans les Iles