La dignité missionnaire
La dignité du missionnaire est donnée par sa mission.
– Son exil volontaire lui assigne une qualité (d’abnégation, de compassion, de courage, de sacrifice) qui est sa propre preuve et qui implique un statut particulier, à la fois proche et distinct de celui de l’administrateur colonial.
– Ses objets (moyens de transport, mobilier, habillement) deviennent attributs de pouvoir et signe d’exemplarité.
Si certains missionnaires regretteront parfois des aspects de ce mode de vie colonial, peu oseront s’en démarquer.
– La dignité missionnaire est également définie par un rapport de quantité -le missionnaire est seul face à une multitude -, et d’autorité, qui la rapproche de la politique coloniale.
La position et l’attitude des missionnaires dans une photographie de groupe illustrent parfaitement une relation qui fut longtemps soit de subordination soit de paternalisme. Les missionnaires sont généralement placés en position centrale dans le cliché, le plus souvent en premier plan. Il faudra attendre les années cinquante, et l’autonomie progressive des Églises locales pour qu’apparaissent des photographies où missionnaires et missionnés se trouvent sur le même plan. Le rapport d‘autorité est symbolisé par les jambes croisés, privilège exclusif des rois et chefs de famille dans nombre de sociétés de l’Afrique Centrale.
Le croisement des jambes est ici le fait exclusif des Européens (dont une femme). Les auxiliaires des missionnaires se tiennent debout, encadrant les fidèles. Bien qu’assis, mais également encadrés, les pasteurs de Douala ne croisent pas les jambes devant les missionnaires. Une telle attitude est réservée au cadre privé, sur un modèle occidental. La position des missionnaires et des missionnés sera longtemps distincte.