Éloignement et premières découvertes missionnaires
L’expérience des deux jeunes missionnaires Elie Allégret et Urbain Teisserès, partis respectivement à 24 et 25 ans, pour le Congo français (actuel Gabon), est significative. Ce voyage constitue leur première expédition après leur formation à l’école des Missions à Paris. Leurs premières impressions sont similaires à celles d’autres voyageurs. Dès leur voyage en bateau jusqu’aux côtes africaines, ils écrivent souffrir de l’inconfort du voyage tout en s’émerveillant de leurs découvertes.
Le 23 mars 1889, Elie Allégret écrit à bord du Portugal, en route vers le Gabon :
Les Iles du Cap Vert nous ont intéressées parce que c’est là que nous avons vu les premiers villages nègres. C’était même très pittoresque, surtout le réservoir d’eau les femmes venaient, l’urne ou le petit tonnelet sur la tête, les remplissaient, causaient un instant, puis repartaient de leur pas nonchalant, au grand soleil de midi qui nous éblouissait malgré nos casques et nos ombrelles. Mais quelle nudité ! Tout est brûlé au soleil, pas un arbre, pas une herbe, le rocher grenat avec des tâches grisâtres. Le soit, à la lune, c’était saisissant. »
Arrivés sur le continent africain, ils souffrent de la chaleur, de la lenteur des moyens de communication avec l’Europe, de la difficulté pour se ravitailler en nourriture et en médicaments alors qu’ils explorent les bords du fleuve Ogooué pour visiter les stations missionnaires américaines.Mais au-delà de ces sensations d’inconfort matériel, ils sont confrontés à la distance culturelle qui existe entre eux et les gens qu’ils rencontrent. Tout d’abord avec les Pahouins dont ils découvrent les habitudes et les traditions. Mais ils se sentent aussi éloignés des missionnaires américains qui les accueillent. Ceux-ci sont sur place depuis de nombreuses années, habitués au climat et à la région. Allégret et Teissères souffrent de leur manque d’enthousiasme et de chaleur face à leur arrivée.
Elie Allégret, lettre du 27 mars 1889, Libreville :
Après ce long voyage avec des étrangers, des gens peu sympathiques, un peu fatigués moralement et physiquement, nous avions soif d’une parole d’affection chrétienne, de cordiale bienvenue. Et nous avions les larmes bien près des yeux quand à 6h et demi, dans la nuit, nous cherchions où pouvait être la mission.L’accueil très bienveillant, très aimable de M. Reading [missionnaire américain], mais pas affectueux nous a achevés et notre première soirée a été un peu triste. Après cela nous fait le culte ensemble, nous avons pleuré ensemble – pourquoi ne pas le dire – mais enfin nous nous sentions deux. «